Nuisances de voisinage.

Tous les résidents vivant en immeuble ont déjà souffert au moins une fois d’une nuisance de voisinage. Que ce soit le bruit du marteau, de la perceuse le dimanche matin, les bruits de pas au plafond, les odeurs de poissons cuisinés qui entrent dans votre domicile, encore la vue sur le balcon du voisin de proximité où sont entreposés à demeure les déchets encombrants, ces nuisances quelles soient sonores, olfactives ou visuelles peuvent devenir rapidement insupportables.

« Vivre ensemble c’est accepter l’autre, mais ce n’est pas tout accepter de l’autre ! »

Avant que ces nuisances virent au cauchemar pour celui qui les subit et conduisent à des drames, il vaut mieux faire preuve d’initiative en allant à la rencontre du fauteur de trouble. En effet celui qui est à l’origine de la nuisance n’a peut être pas conscience du trouble qu’il cause à son entourage. Avant toutes démarches légales et contraignantes, il est bon au préalable de rencontrer ce voisin indélicat, lui signaler les conséquences sur son entourage qu’il occasionne par ses actes ou son comportement.

Parmi les cinq sens dont l’être humain dispose, les plus communément impactés par les troubles de voisinage sont l’ouïe avec les nuisances sonores, l’odorat avec les nuisances olfactives et la vue avec les nuisances visuelles. Cependant le toucher et le goût ne sont pas exempts d’être altérés par un comportement de voisinage indélicat.

Pour envisager les actions à entreprendre afin de faire cesser ces troubles, établissons au préalable un constat des nuisances et des textes qui en déterminent l’émergence.

Les nuisances de voisinage.

Le bruit.

Le Décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage, modifiant le code de la santé publique est clair sur ce sujet :

Art. R. 1334-31. – Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.

Que le bruit en question trouve son origine :

  • dans le comportement ou les actes d’une personne : paroles à voix haute, cris, marche avec des talons, frottement des meubles au sol, activité bruyante sur un espace collectif piscine, parking ou autres, etc.. ;
  • d’une chose ou un appareil : radio, téléviseur, perceuse, électroménager, échappement de véhicule automobile ou moto, etc.. ;
  • un animal : aboiements, miaulements, grattement sur les portes et les murs, etc..

Tous ces bruits doivent respecter des seuils d’émergence fixés dans l’article R. 1334-33 de cette loi de 2006 qui différencie le niveau d’acceptabilité en fonction du moment de la journée entre 7 et 22 heures pour les périodes diurnes et entre 22h00 et 07h00 pour les périodes nocturnes. Ces niveaux sonores à ne pas dépasser sont assortis d’une atténuation selon la durée du bruit.

Les textes des administrations départementales et locales viennent compléter les autorisations pour l’accomplissement des activités de bricolage ou de jardinage. Les règles édictées peuvent différées d’une région à l’autre (lutte contre le bruit de voisinage dans le Var).

Il devient alors nécessaire d’agir dans le but de faire cesser la nuisance considérée comme anormale, lorsqu’elle devient insupportable. Il reste à définir le seuil de l’insupportable. Cette appréciation du seuil de tolérance est personnel qui permet à chacun d’user convenablement de son droit de propriété, c’est à dire de jouir de son bien de la manière la plus absolue (article 544 du code civil).

Dans ces situations, le dialogue est nécessaire qui permet au fauteur à l’origine du trouble de prendre conscience de la nuisance, même si il en réfute l’importance. Pour celui qui en subit les conséquences, cela permet d’amorcer le dialogue en faisant état de la nuisance et avancer des solutions pour faire cesser ou diminuer la gène vécue.

Les odeurs.

Tout aussi désagréable dans le rapport avec le voisinage, les mauvaises odeurs qui circulent sournoisement et envahissent votre cadre de vie sont considérées également comme un trouble anormal à la jouissance de son bien qui entraîne une nuisance avec nécessitée d’y mettre fin.

« Art 1240 du code civil :Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Que l’origine de cette nuisance soit occasionnelle ou répétitive comme les odeurs de cuisson, barbecue, tabac, drogues douces, ou plus tenace liée à un mauvais entretien des installations sanitaires, manque de nettoyage d’installation de vide ordure ou local poubelles, présence d’un animal domestique mal éduqué, ces nuisances peuvent être aggravées en raison d’un mauvais fonctionnement du système de ventilation des appartements.

Dans ces situations la recherche de l’origine de la nuisance et les raisons qui aggravent la situation sont à déterminer afin d’aborder le dialogue d’une façon sereine et constructive avec son entourage. Comme pour le bruit, le fauteur du trouble, habitué à cette situation (odeurs de cuisine épicés, tabac, drogues douces) en raison de ses habitudes de vie n’a peut être pas conscience de la situation.

La vue.

Un balcon bien encombré !

La jouissance de la vue ne doit pas être altérée par le comportement de son voisinage. Dans la plupart des ensembles immobiliers, le règlement de copropriété fixe des règles de comportement pour garantir le cadre de vie dans ce domaine. Pour cette raison les balcons et terrasses sont en règle générale considérés comme parties communes à l’usage exclusif du résident. De ce fait ils ne peuvent pas être remis en peinture différemment des autres et l’installation des stores-bannes, brises-vent doit être conforme aux modèles et couleurs fixées pour la copropriété. Dans ce même esprit de préserver l’aspect visuel, l’aménagement de ces lieux doit se faire dans le respect du voisinage, ainsi le stockage des encombrants, l’étendage de linge est interdit ou doit répondre à des recommandations de hauteur sur les balcons et d’horaires.

Comment agir.

  • Les acteurs :
    • Les résidents, qu’ils soient propriétaires ou locataires, subissant un trouble anormal du voisinage quel qu’en soit la nature, ont intérêt à agir pour faire cesser le trouble et exiger un retour à une situation normale pour la jouissance de leur bien. Ces mêmes acteurs ont également la qualité pour agir. Selon l’article 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue qui soit, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements », le propriétaire à capacité d’agir. Le propriétaire est responsable des conséquences sur l’environnement matériel et humain du bien, dont le locataire, par son comportement ou par ses actes, serait à l’origine. Il doit faire autorité sur le locataire à l’origine pour faire cesser le trouble afin de revenir à une situation normale. Le locataire risque la résiliation de bail en cas de non respect du règlement de copropriété et si la situation perdure, le propriétaire peut être assigné en justice. Enfin les copropriétaires ainsi que le syndic ont capacité d’agir collectivement contre un résident qui ne respecterai pas le règlement de copropriété et serait à l’origine d’un trouble anormal de voisinage.
  • Les documents références :
    • Le règlement de copropriété est le document écrit qui définit l’organisation et le fonctionnement de l’immeuble. Rédigé par un professionnel (un notaire par exemple), il est obligatoire et s’impose aux locataires et aux copropriétaires de l’immeuble. Le syndic de copropriété est responsable de son application. Ce document contient entre autre les règles de vie pratique au sein de l’immeuble. Il précise la destination de l’immeuble (résidentiel, autorisation de commerces ou professions libérales) et fixe les règles de vie au sein de l’immeuble, notamment :
      • les conditions d’utilisation des parties privatives (par exemple, interdiction d’accrocher du linge aux fenêtres, limitation de travaux à certains jours et horaires),
      • les conditions d’utilisation des parties communes (par exemple, usage du garage du local à vélo)
    • Le règlement intérieur de copropriété est un document issu du règlement de copropriété. Il a pour objet de définir les règles de fonctionnement interne de votre immeuble (règles de bon voisinage). … Ce document est à fournir obligatoirement aux propriétaires et locataires et à chaque fois qu’un lot de la copropriété est vendu.
  • Les tiers médiateurs :
    • Dans le cas d’un trouble anormal de jouissance, le conseil syndical montre toute son utilité. En se référant au règlement de copropriété, il assiste et conseille les personnes en attente de reconnaissance. Avec sa connaissance de la copropriété et des résidents, le conseil syndical met à profit son rôle dans la diffusion de l’information pour prévenir ces situations en diffusant au besoin des rappels sur les règles du bien vivre ensemble.
    • Sans pouvoir se substituer au pouvoir judiciaire, le syndic qui est chargé d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété (article 18 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965) vient à l’appui du conseil syndical et prend la relève pour faire office de tiers dans le dialogue et si nécessaire pour mettre en demeure et engager une procédure.
    • Appel au Conciliateur de Justice. Depuis le 1er janvier 2020, dans le cadre de la loi de modernisation de la justice et son décret d’application paru en décembre 2019 réformant la procédure civile, le demandeur, victime d’un trouble anormal de voisinage, devra justifier, avant de saisir le tribunal judiciaire, d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office.
  • La procédure :
    • 1ère étape : Comme nous l’avons déjà évoqué pour chaque nuisance sonore, olfactive ou visuelle, la première démarche et d’engager un dialogue avec le voisinage à l’origine de la nuisance. Cette démarche peut être rendue difficile dans le cas de rapport de faiblesse entre personnes âgées par exemple et un voisinage difficile ou agressif. Ces situations ne doivent pas être à l’origine d’une dépendance qui pousserait ces personnes âgées à subir les désagréments sans pouvoir le faire remarquer.
    • 2ème étape : Après votre entrevue, le résident à l’origine du trouble ne modifie pas son comportement et la nuisance se poursuit, il faut lui adresser un courrier recommandé avec accusé de réception qui sera le point de départ d’une procédure. Il est nécessaire d’envoyer une copie de ce courrier au syndic et au propriétaire du bien si il s’agit d’un résident locataire. Le recours exprimé dans ce courrier recommandé peut être partagé par plusieurs résidents de l’entourage subissant cette même nuisance. Au besoin ce courrier peut être accompagné d’un constat par huissier. L’importance du trouble, tapage nocturne par exemple, peut justifier une intervention de police pour y mettre fin.
    • 3ème étape : En préalable à une action en justice, il est à présent obligatoire de faire appel à un conciliateur de justice dans le cadre d’un trouble anormal du voisinage. Ce juriste peut être saisi gratuitement à sa permanence au plus prés du lieu du litige ou de manière dématérialisée. Après la recherche d’un compromis d’entente amiable le conciliateur rédigera un constat d’accord officiel signé des parties prenantes. Ce document pourra faire état des contraintes à mettre en œuvre en cas de non respect de l’accord et être validé par le tribunal judiciaire qui lui conférera une force exécutoire.
    • 4ème étape : Sans résultat après une lettre recommandée si la nuisance le justifie, l’action en justice doit être envisagée devant le tribunal judiciaire issu de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance depuis la loi de modernisation de la justice. Selon la situation, le syndicat des copropriétaires ayant capacité d’agir, le syndic qui est habilité dans la gestion des litiges et contentieux, sera en mesure de mettre en demeure le tiers concerné par lettre recommandé et si nécessaire de constituer un dossier pour le transmettre à l’avocat qui prendra en charge la défense de la copropriété.
    • Dans ce dernier cas, le juge apprécie le caractère normal ou non du trouble de voisinage, selon les circonstances, la nature du trouble : bruits, odeurs, perte d’ensoleillement.., ses caractéristiques : l’intensité, le désagrément, la fréquence, etc.. Si la situation est avérée, les sanctions peuvent aller jusqu’au versement de dommages et intérêts pour les propriétaires et jusqu’à la résiliation du bail pour les locataires.

Pour conclure

Le premier réflexe à avoir lorsque le comportement d’un voisin devient gênant, c’est bien entendu de tenter d’en parler calmement avec lui. Si cela ne suffit pas, vous pouvez vous tourner vers le syndic de copropriété, chargé de faire respecter le règlement interne à votre résidence ou à votre immeuble. Au-delà de la jouissance paisible des lieux, ce document peut d’ailleurs interdire spécifiquement certaines pratiques, comme l’utilisation d’un barbecue au charbon par exemple. Vous pouvez également vous adresser à la mairie pour savoir s’il existe un arrêté réglementant le bruit en cause. Un courrier envoyé en recommandé avec le texte en question permettra ainsi de rappeler au gêneur les règles de vivre-ensemble imposées mais aussi les suites judiciaires potentielles.

Et si cela n’a aucun effet ? Il va falloir faire constater les faits pour constituer un dossier en béton en vu d’intervenir en justice. Les forces de l’ordre interviennent dans le cas de tapage nocturne. Pour le reste, vous pouvez faire appel à un huissier ou, dans le cas d’odeurs particulièrement nauséabondes, au service d’hygiène et de santé de la mairie. N’hésitez pas non plus à recueillir les témoignages écrits des autres voisins incommodés pour appuyer vos demandes.

P.A

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