Copropriété et comptabilité

Tous les ans, lors de l’assemblée générale, le syndic nous soumet plusieurs annexes comptables concernant la gestion budgétaire en nous demandant de les examiner, pour ensuite nous poser la question rituelle, de donner quitus au syndic pour sa gestion de l’exercice écoulé.

Que signifie cette expression « donner quitus », en quoi cela nous engage et est-ce obligatoire ?

Cette résolution donnant quitus au syndic, adoptée en assemblée générale, souvent par la totalité des copropriétaires, ou presque, signifie que le syndicat des copropriétaires juge que le syndic a géré de façon irréprochable la copropriété et les comptes du syndicat des copropriétaires et déclare que le syndic a rempli son mandat de gestion.

Cependant, seule la résolution approuvant les comptes de l’année passée est obligatoire. En obtenant le quitus sur sa gestion, le syndic se retrouve déchargé d’une responsabilité qui pourrait peser sur ses épaules les années suivantes

Donner quitus au syndic n’est donc pas obligatoire et juridiquement déconseillé car une fois voté, la copropriété ne pourra plus reprocher une erreur devant le tribunal si cela s’avérait nécessaire. Refuser de voter le quitus, ce n’est pas désavouer le syndic, mais simplement protéger les droits des copropriétaires.

L’ARC (Association des Responsables de Copropriétés) déconseille fermement de voter tout quitus. C’est de fait, pour la copropriété, « se fermer une possibilité d’action pendant 30 ans contre le syndic et perdre une chance d’être indemnisée par l’assurance professionnelle de ce dernier » .

Le vote du budget prévisionnel de l’année à venir, demeure quant à lui obligatoire pour permettre au syndic de poursuivre son mandat

Rappelons que jusqu’aux années 2000, les syndics étaient relativement libres dans la gestion des comptes des copropriétés. Suivie sur un compte bancaire commun au syndic, la comptabilité de trésorerie qui était utilisée jusqu’à cette époque faisait apparaître les opérations qu’au moment ou celles-ci étaient créditées ou soldées sur le compte, laissant la voie ouverte à des dérives contestables. La présentation des comptes que les syndics devaient proposer à l’occasion du vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes ne donnait pas une vue réaliste de la situation financière pour une prise de décision éclairée.

La loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) en 2000 est venue cadrer cette absence en imposant des règles comptables spécifiques au syndic (règles de tenue des comptes et règles de présentation des comptes aux copropriétaires pour approbation) précisément définies par le décret et l’arrêté du 14 mars 2005.

Depuis le 1er janvier 2007, date d’entrée en application des textes, les comptes du syndicat de copropriété doivent être tenus conformément à ces règles.

Nota : Ces règles nouvellement définies s’appliquent à la gestion de la comptabilité du syndicat de copropriétaires et non à la comptabilité du syndic.

Le règles de fonctionnement de la comptabilité.

Comptabilité d’engagement.

A partir de 2007, les syndics de copropriétés ont abandonné la comptabilité de trésorerie pour adopter une comptabilité d’engagement permettant de suivre la ventilation des dépenses envisagées sur la base d’un budget prévisionnel annuel (loi du 10.7.65 : art. 14-1). A noter que le budget prévisionnel établit d’une année sur l’autre est primordial pour définir les dépenses à venir et faire les appels de fonds trimestriels nécessaires auprès des copropriétaires.

La comptabilité d’engagement adoptée est également décrite comme une comptabilité en partie double ou chaque opération est enregistrée deux fois :

Les charges et produits sont enregistrés dès leur engagement juridique par le syndic, indépendamment de leur règlement

Toute opération comptable s’enregistre par une écriture en deux temps :

  • au débit d’un compte ;
  • au crédit d’un autre compte.

Le montant du débit doit être égal au montant du crédit.

Le décret de 2005 définit les notions de charges et produits qui sont enregistrés dès leur engagement, indépendamment de leur encaissement ou de leur décaissement.

Une distinction doit être faite entre :

  • les charges constatées pour les opérations courantes qui sont les sommes versées ou à verser en contrepartie des fournitures et services dont a bénéficié le syndicat.
  • Les produits constatés pour les opérations courantes qui sont les sommes reçues ou à recevoir de chaque copropriétaire en vertu de l’obligation leur incombant ainsi que les produits divers affectés aux opérations courantes ;
  • Les charges constatées pour les travaux et opérations exceptionnelles qui sont les sommes versées ou à verser pour les travaux décidés par l’assemblée générale ;
  • Les produits constatés pour les travaux et opérations exceptionnelles qui sont les sommes reçues ou à recevoir de chacun des copropriétaires en vertu de l’obligation de payer les dépenses relatives à ces travaux mais aussi les emprunts, indemnités d’assurance, subventions, loyers, ou produits divers issus de placements.

On peut parler d’engagement de la dépense au moment de la présentation de l’engagement juridique et de réalisation de l’opération au moment de l’encaissement ou du décaissement correspondant.

liste des comptes.

Le syndic doit tenir une liste des comptes numérotés et classés selon une nomenclature obligatoire.

Les comptes se divisent en 5 classes répartis comme suit :

  • Classe 1 Provisions, avances, subventions et emprunts
  • Classe 4 Copropriétaires et tiers
  • Classe 5 Comptes financiers
  • Classe 6 Comptes de charges
  • Classe 7 Comptes de produits

Les sous comptes sont organisés dans les différentes classes comme dans l’exemple ci-dessous :

Classe 6 Comptes de charges

  • 60 Achats de matières et fournitures :
    • 601 Eau
    • 602 Électricité
  • 61 Services extérieurs :
    • 611 Nettoyage des locaux
    • 614 Contrats de maintenance
    • 615 Entretien et petites réparations
  • 62 Frais d’administration et honoraires :
    • 621 Rémunérations du syndic sur gestion copropriété
  • 64 Frais de personnel :
    • 641 Salaires
  • etc..

Si la nomenclature comptable ne lui permet pas d’enregistrer distinctement toutes les opérations, le syndic peut créer des sous-comptes, obligatoirement rattachés au compte dont ils dépendent.

Les écritures comptables.

Elles comportent des mentions obligatoires :

  • libellé ;
  • date et numéro de facture ;
  • date et référence du paiement ;
  • période de l’appel de fonds ;
  • objet de l’appel de fonds.

Règles comptables.

L’enregistrement des écritures comptables par une écriture en deux temps, au débit d’un compte et au crédit d’un autre compte, s’effectue selon des règles spéciales définies dans l’arrêté du 14 mars 2005, article 10.

Les opérations sont enregistrées TTC, mais il est recommandé de faire apparaître le taux et le montant de la TVA.

Aucune compensation ne doit être effectuée entre les comptes dont le solde est débiteur et les comptes dont le solde est créditeur.

Les versements des copropriétaires sont affectés, à défaut d’indication contraire, au règlement de la dette la plus ancienne.

Le syndic doit être en mesure de ventiler les sommes exigibles à recevoir de chaque copropriétaire en 4 rubriques :

  • créances sur opérations courantes ;
  • créances sur travaux hors budget prévisionnel et opérations exceptionnelles ;
  • créances sur avances ;
  • créances sur emprunts obtenus par le syndicat des copropriétaires.

Les documents comptables.

La comptabilité d’une copropriété tenue par le syndic se divise en trois documents :
• un livre journal, qui inscrit au jour le jour les opérations comptabilisées ;
• un grand livre, qui reporte les opérations dans les comptes ;
• une balance générale, qui résume les soldes des comptes en fin d’exercice.

Ces documents sont tenues à disposition ainsi que les balances comptables pour assurer les vérification, ils peuvent être suivis sur support informatique, à condition que les moyens utilisés apporte une garantie suffisante en matière de preuve.

Les documents doivent être conservés pendant 10 ans et les originaux des pièces devront être transmises au successeur dans le cadre d’un changement de syndic.

Présentation des comptes.

A la fin de l’exercice comptable qui est de douze mois, l’assemblée générale des copropriétaires doit approuver les comptes, voter le budget prévisionnel et voter les dépenses pour travaux hors budget prévisionnel et opérations exceptionnelles. Les comptes sont arrêtés à la date de clôture de l’exercice et sont présentés à l’assemblée générale dans un délais de 6 mois.

Une présentation des comptes en 5 tableaux est obligatoire :

  • Annexe 1 : État financier après répartition ou situation de trésorerie à la clôture de l’exercice.
  • Annexe 2 : Compte de gestion générale et budget prévisionnel.
  • Annexe 3 : Compte de gestion détaillée avec la répartition pour les opérations courantes de l’exercice clos et le budget prévisionnel de l’exercice.
  • Annexe 4 : Compte de gestion pour travaux et opérations exceptionnels.
  • Annexe 5 : État des travaux et opérations exceptionnels non clôturés à la fin de l’exercice faisant apparaître le réalisé et le non réalisé des travaux.

Les comptes doivent être présentés aux copropriétaires avec le budget voté correspondant et le comparatif des comptes de l’exercice précédent.

Les excédents ou insuffisances des charges et produits sont répartis à l’arrêté des comptes entre chacun des copropriétaires en fonction des quotes-parts afférentes à chaque lot dans chacune des catégories de charges. Pour les travaux hors budget prévisionnel et opérations exceptionnelles, la répartition ne peut intervenir qu’à la clôture définitive de chacune des opérations concernées.

Compte de la copropriété.

Depuis le 26 mars 2015, chaque syndicat de copropriété doit ouvrir un compte bancaire séparé à son nom. Le non respect de cette règle est un motif de radiation du syndic.

Les sommes versées sur le fonds de travaux appartiennent au syndicat de copropriétaires et ne sont pas remboursées au vendeur en cas de vente d’un lot.

Conclusion.

S’il est du devoir de chacun de s’intéresser au fonctionnement de la copropriété pour ne pas être surpris des décisions qui se prennent lors des assemblées générales, il est cependant dans les missions du conseil syndical de veiller à la bonne gestion du syndic dans l’exécution des comptes de la copropriété. Ce principe est inscrit en introduction dans l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 26 du décret de 1967 précise cette mission du conseil syndical en ces termes “Il contrôle la gestion du syndic, notamment la comptabilité de ce dernier, la répartition des dépenses, les conditions dans lesquelles sont passés et exécutés les marchés et tous autres contrats”.

Il doit enfin en rendre compte de cette mission dans son rapport annuel dont la présentation en assemblée générale doit faire ressortir son rôle de contrôle du syndic sur l’année dans le suivi du budget et l’explication des dépenses, le suivi des travaux et la préparation des projets. Ce document permettra de faciliter le vote des résolutions et les prises de décisions des projets de travaux à venir.

P.A

Sources :

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